mercredi 15 octobre 2008

Guillaume Apollinaire-La Loreley

*Rome 26.08.1880
+Paris 09.11.1918
Genre: Surréalisme
Recueil: Alcools





À Jean Sève.

À Bacharach il y avait une sorcière blonde
Qui laissait mourir d'amour tous les hommes à la ronde

Devant son tribunal l'évêque la fit citer
D'avance il l'absolvit à cause de sa beauté

Ô belle Loreley aux yeux pleins de pierreries
De quel magicien tiens-tu ta sorcellerie

Je suis lasse de vivre et mes yeux sont maudits
Ceux qui m'ont regardée évêque en ont péri

Mes yeux ce sont des flammes et non des pierreries
Jetez jetez aux flammes cette sorcellerie

Je flambe dans ces flammes Ô belle Loreley
Qu'un autre te condamne tu m'as ensorcelé

Evêque vous riez Priez plutôt pour moi la Vierge
Faites-moi donc mourir et que Dieu vous protège

Mon amant est parti pour un pays lointain
Faites-moi donc mourir puisque je n'aime rien

Mon coeur me fait si mal il faut bien que je meure
Si je me regardais il faudrait que j'en meure

Mon coeur me fait si mal depuis qu'il n'est plus là
Mon coeur me fit si mal du jour où il s'en alla

L'évêque fit venir trois chevaliers avec leurs lances
Menez jusqu'au couvent cette femme en démence

Va t'en Lore en folie va Lore aux yeux tremblants
Tu seras une nonne vêtue de noir et blanc

Puis ils s'en allèrent sur la route tous les quatre
La Loreley les implorait et ses yeux brillaient comme des astres

Chevaliers laissez-moi monter sur ce rocher si haut
Pour voir une fois encore mon beau château

Pour me mirer une fois encore dans le fleuve
Puis j'irai au couvent des vierges et des veuves

Là-haut le vent tordait ses cheveux déroulés
Les chevaliers criaient Loreley Loreley

Tout là-bas sur le Rhin s'en vient une nacelle
Et mon amant s'y tient il m'a vue il m'appelle

Mon coeur devient si doux c'est mon amant qui vient
Elle se penche alors et tombe dans le Rhin

Pour avoir vu dans l'eau la belle Loreley
Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

Heinich Heine-Die Loreley

*Düsseldorf 13.12.1797
+Paris 17.02.1856
Genre: Romantisme






Ich weiß nicht, was soll es bedeuten,
Daß ich so traurig bin,
Ein Märchen aus uralten Zeiten,
Das kommt mir nicht aus dem Sinn.

Die Luft ist kühl und es dunkelt,
Und ruhig fließt der Rhein;
Der Gipfel des Berges funkelt,
Im Abendsonnenschein.

Die schönste Jungfrau sitzet
Dort oben wunderbar,
Ihr gold'nes Geschmeide blitzet,
Sie kämmt ihr goldenes Haar,

Sie kämmt es mit goldenem Kamme,
Und singt ein Lied dabei;
Das hat eine wundersame,
Gewalt'ge Melodei.

Den Schiffer im kleinen Schiffe,
Ergreift es mit wildem Weh;
Er schaut nicht die Felsenriffe,
Er schaut nur hinauf in die Höh'.

Ich glaube, die Wellen verschlingen
Am Ende Schiffer und Kahn,
Und das hat mit ihrem Singen,
Die Loreley getan.

Traduction de Yves Daunès

Quels sont en moi ces noirs présages ?
Je suis triste au point d'en mourir ;
Une histoire des anciens âges
Sans trêve hante mon souvenir

Au soir, l'air en fraîcheur s'accroît,
Le Rhin coule paisiblement ;
Et au rocheux sommet flamboient
Les reflets du soleil couchant.

D'entre les nymphes la plus belle,
Assise là-haut, rêve encore ;
De sa parure l'or étincelle ;
Elle peigne ses cheveux d'or.

Le peigne est magique, elle chante,
D'un timbre étrange puis vainqueur,
Mélopées et odes envoûtantes
Qui vite inféodent le cœur !

Le nautonier dans sa nacelle
Est saisi d'un poignant transport,
N'a de regards que vers le ciel
Et vient sur l'écueil de la Mort.

Esquif et nocher peu après,
Sous la vague sombrent, je crois ;
Car c'est bien là ce qu'elle fait,
La Lorelei avec sa voix.

Guillaume Apollinaire-Le pont Mirabeau

*Rome 26.08.1880
+Paris 09.11.1918
Genre: Surréalisme
Recueil: Alcools





Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine.

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l'onde si lasse

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

L'amour s'en va comme cette eau courante
L'amour s'en va
Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine

samedi 11 octobre 2008

Francis Cabrel-Octobre

*Astaffort 23.11.1953
Genre: Chanson française
Album: Un samedi soir sur la terre






Le vent fera craquer les branches
La brume viendra dans sa robe blanche
Y aura des feuilles partout
Couchées sur les cailloux
Octobre tiendra sa revanche
Le soleil sortira à peine
Nos corps se cacheront sous des bouts de laine

Perdue dans tes foulards
Tu croiseras le soir
Octobre endormi aux fontaines
Il y aura certainement,
Sur les tables en fer blanc
Quelques vases vides et qui traînent
Et des nuages pris aux antennes

Je t'offrirai des fleurs
Et des nappes en couleurs
Pour ne pas qu'Octobre nous prenne
On ira tout en haut des collines
Regarder tout ce qu'Octobre illumine
Mes mains sur tes cheveux
Des écharpes pour deux

Devant le monde qui s'incline
Certainement appuyés sur des bancs
Il y aura quelques hommes qui se souviennent
Et des nuages pris aux antennes
Je t'offrirai des fleurs
Et des nappes en couleurs
Pour ne pas qu'Octobre nous prenne

Et sans doute on verra apparaître
Quelques dessins sur la buée des fenêtres
Vous, vous jouerez dehors
Comme les enfants du nord
Octobre restera peut-être.
Vous, vous jouerez dehors
Comme les enfants du nord
Octobre restera peut-être.

Pour écouter, c'est ici.

mercredi 8 octobre 2008

Rainer Maria Rilke-L'attente

*Prague 04.12.1875
+Montreux 29:12:1926
Genre: Art nouveau
Recueil: Poèmes et Dédicaces





C'est la vie au ralenti,
c'est le coeur à rebours,
c'est une espérance et demie:
trop et trop peu à son tour.

C'est le train qui s'arrête en plein chemin
sans nulle station
et on entend le grillon
et on contemple en vain

penché à la portière,
d'un vent que l'on sent, agités
les prés fleuris, les prés
que l'arrêt rend imaginaires.

mardi 7 octobre 2008

Jules Mousseron-L'viell' toutoule l'avaricieuse

* Denain 01.01.1868
+Denain 11.1943
Genre: Poésie du terroire
Recueil: Oeuvres complètes





Alle étot d'eun' telle avarice,
Qu' mêm' l'hiver, all couquot sans qu'misse.
S'quenne étot dure comme du caillau.
Les puches crévotent d'faim su s'piau.

In tout all' saquot s'bénéfice
Et pou fair' del soupe - del quiquisse -
All' ramassot des haricots
N'imprt' dû, même dins l'rucheau.

All' vindot d' tout's sort's d'agobilles,
Jusqu'à s' n'ieau d' pleuv', ses escarbilles.
Jusqu'à l'longu' cort' dé s'n'homm' pindu.

All' arot rogner su la lune !
Mais in n' li-a point connu d'rancune...
Si all' d'a eu, all' l'a rvindu'

Paul Verlaine-Mon rêve familier

*Metz 30.03.1844
+Paris 08.01.1896
Genre: Symbolisme,
Recueil: Poèmes saturniens






Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime,
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon coeur transparent
Pour elle seule, hélas! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse? Je l'ignore.
Son nom? Je me souviens qu'il est doux et sonore,
Comme ceux des aimés que la vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.

lundi 6 octobre 2008

Theodor Fontane-Herr von Ribbeck auf Ribbeck im Havelland

*Neuruppin 30.12.1819
+Berlin 20.09.1898
Genre: Réalisme poétique
Poème pour enfants






Herr von Ribbeck auf Ribbeck im Havelland,
Ein Birnbaum in seinem Garten stand,
Und kam die goldene Herbsteszeit
Und die Birnen leuchteten weit und breit,
Da stopfte, wenn's Mittag vom Turme scholl,
Der von Ribbeck sich beide Taschen voll.
Und kam in Pantinen ein Junge daher,
So rief er: "Junge, wiste 'ne Beer?"
Und kam ein Mädel, so rief er: "Lütt Dirn,
Kumm man röwer, ick hebb 'ne Birn".

So ging es viel Jahre, bis lobesam
Der von Ribbeck auf Ribbeck zu sterben kam.
Er fühlte sein Ende. 's war Herbsteszeit,
Wieder lachten die Birnen weit und breit;
Da sagte von Ribbeck: "Ich scheide nun ab.
Legt mir eine Birne mit ins Grab."
Und drei Tage drauf, aus dem Doppeldachhaus,
Trugen von Ribbeck sie hinaus,
Alle Bauern und Bündner mit Feiergesicht
Sangen "Jesus meine Zuversicht".
Und die Kinder klagten, das Herze schwer:
"He is dod nu. Wer giwt uns nu 'ne Beer?"

So klagten die Kinder. Das war nicht recht -
Ach, sie kannten den alten Ribbeck schlecht;
Der neue freilich, der knausert und spart,
Hält Park und Birnbaum strenge verwahrt.
Aber der alte, vorahnend schon
Und voll Mißtrauen gegen den eigenen Sohn,
Der wußte genau, was er damals tat,
Als um eine Birn' ins Grab er bat,
Und im dritten Jahr aus dem stillen Haus
Ein Birnbaumsprößling sproßt heraus.

Und die Jahre gehen wohl auf und ab,
Längst wölbt sich ein Birnbaum über dem Grab,
Und in der goldenen Herbsteszeit
Leuchtet's wieder weit und breit.
Und kommt ein Jung' übern Kirchhof her,
So flüstert's im Baume: "Wiste 'ne Beer?"
Und kommt ein Mädel, so flüstert's: "Lütt Dirn,
Kumm man röwer, ick gew' di 'ne Birn."

So spendet Segen noch immer die Hand
Des von Ribbeck auf Ribbeck im Havelland.

Ce poème est connu par beaucoup ici en Allemagne. Il raconte l'histoire de Ribbeck, un vieil homme très riche qui en automne offre aux enfants pauvres du village les fruits de son poirier. Or lorsqu'il meurt, son fils, avare, ne donne rien aux enfants. Or quelques années plus tard, un poirier pousse près de la tombe du vieux Ribbeck: il avait demandé qu'on l'enterre avec l'une de ses poires car il connaissait la pingrerie de son fils...

dimanche 5 octobre 2008

Grand Corps Malade-Rencontres

Fabien Marsaud
*Le Blanc Mesnil 31.07.1977
Genre: slam, rap
Album: Midi 20





C'était sur une grande route, j'marchais là d'puis des jours
Voire des s'maines ou des mois, j'marchais là d'puis toujours
Une route pleine de virages, des trajectoires qui dévient
Un ch'min un peu bizarre, un peu tordu, comme la vie

Évidemment j'étais pas tout seul, j'avais envie d'faire connaissance
Y avait un tas d'personnes, et personne marchait dans l'même sens
Alors j'continuais tout droit, mais un doute s'est installé
Je savais pas c'que j'foutais là, encore moins où j'devais aller
Mais en ch'min au fil du temps, j'ai fait des sacrées rencontres
Des trucs impressionnants, faut absolument qu'j'vous raconte
Ces personnages que j'ai croisé, c'est pas vraiment des êtres humains
Tu peux parler avec eux mais jamais leur serrer la main
Tout d'abord sur mon parcours j'ai rencontré l'innocence
Un être doux, très gentil, mais qui manque un peu d'expérience
On a marché un p'tit moment, moins longtemps que c'que j'aurais cru
J'ai rencontré d'autres éléments et l'innocence a disparu
Un moment sur mon ch'min, j'ai rencontré le sport
Un mec physique, un peu grande gueule, mais auprès d'qui tu d'viens fort
Pour des raisons techniques on a dû s'quitter : c'était dur !
Mais finalement c'est bien comme ça, puis l'sport, ça donne des courbatures !
J'ai rencontré la poésie, elle avait un air bien prétentieux
Elle prétendait qu'avec les mots, on pouvait traverser les cieux
J'lui ai dit : "J't'ai d'jà croisée et franchement, tu vaux pas l'coup !
On m'a parlé d'toi à l'école et t'avais l'air vraiment relou"
Mais la poésie a insisté et m'a rattrapé sous d'autres formes
J'ai compris qu'elle était cool et qu'on pouvait braver ses normes
J'lui ai d'mandé : "Tu penses qu'on peux vivre ensemble ?J'crois qu'j'suis accroc"
Elle m'a dit : "T'inquiète, le monde appartient à ceux qui rêvent trop"
Puis j'ai rencontré la détresse et franchement elle m'a saoulé
On a discuté vite fait, mais rapidement je l'ai r'foulée
Elle a plein d'certitudes sous ses grands airs plein d'tension
Mais vous savez quoi ? La détresse, elle a pas d'conversation
Un moment sur ma route, j'ai rencontré l'amour
J'lui ai dit : "Tiens ! Tu tombes bien, j'veux t'parler d'puis toujours
Dans l'absolu t'es une bonne idée, mais dans les faits c'est un peu nul
Tu pars en couille une fois sur deux ! Faudrait qu'tu r'travailles ta formule"
L'amour m'a dit : "Ecoute petit, ça fait des siècles que j'fais mon taff
Alors tu m'parles sur un autre ton, si tu veux pas t'manger des baffes
Moi j'veux bien être gentil, mais faut qu'chacun y mette du sien
Les humains n'font aucun effort et moi j'suis pas un magicien"
On s'est embrouillé un p'tit moment et c'est là qu'j'me suis rendu compte
Que l'amour était sympa mais que quand même il s'la raconte
Puis il m'a dit qu'il d'vait partir, il avait des rendez-vous par centaines
Que ce soir il d'vait dîner chez sa d'mi-sœur : la haine
Avant d'partir j'ai pas bien compris, il m'a conseillé d'y croire toujours
Puis s'est éloigné sans s'retourner, c'était mes derniers mots d'amour
J'suis content d'l'avoir connu, ça j'l'ai bien réalisé
Et je sais qu'un d'ces quatre, on s'ra amené à s'recroiser
Un peu plus tard sur mon ch'min, j'ai rencontré la tendresse
Ce qui reste de l'amour derrière les barrières que le temps dresse
Un peu plus tard sur mon ch'min, j'ai rencontré la nostalgie
La fiancée des bons souvenirs qu'on éclaire à la bougie
Assez tôt sur mon parcours j'avais rencontré l'amitié
Et jusqu'à c'jour, elle marche toujours à mes côtés
Avec elle j'me tape des barres, et on connaît pas la routine
Maintenant c'est sûr, l'amitié, c'est vraiment ma meilleure copine
J'ai rencontré l'avenir, mais il est resté très mystérieux
Il avait la voix déformée et un masque sur les yeux
Pas moyen d'mieux l'connaître, il m'a laissé aucune piste
Je sais pas à quoi il r'ssemble, mais au moins j'sais qu'il existe
J'ai rencontré quelques peines, j'ai rencontré beaucoup d'joie
C'est parfois une question d'chance, souvent une histoire de choix
J'suis pas au bout d'mes surprises, là d'ssus y a aucun doute
Et tous les jours je continue d'apprendre les codes de ma route

C'était sur une grande route, j'marchais là d'puis des jours
Voire des s'maines ou des mois, j'marchais là d'puis toujours
Une route pleine de virages, des trajectoires qui dévient
Un ch'min un peu bizarre, un peu tordu, comme la vie

Pour écouter, c'est par ici.

Johann Wolfgang Goethe-Selige Sehnsucht

*Frankfurt am Main 28.08.1749
+Weimar 22.03.1832
Classicisme de Weimar voire précurceur du Romantisme allemand
Recueil: West östlichen Divan (Le divan occidental oriental)

Sag es niemand, nur den Weisen,
Weil die Menge gleich verhöhnet:
Das Lebendge will ich preisen,
Das nach Flammentod sich sehnet.

In der Liebesnächte Kühlung,
Die dich zeugte, wo du zeugtest,
Überfällt dich fremde Fühlung,
Wenn die stille Kerze leuchtet.

Nicht mehr bleibest du umfangen
In der Finsternis Beschattung,
Und dich reißet neu Verlangen
Auf zu höherer Begattung.

Keine Ferne macht dich schwierig,
Kommst geflogen und gebannt,
Und zuletzt, des Lichts begierig,
Bist du Schmetterling verbrannt.

Und so lang du das nicht hast,
Dieses: Stirb und Werde!
Bist du nur ein trüber Gast
Auf der dunklen Erde.

Nostalgie* bienheureuse

Ne le dites à personne, sinon aux sages
Car la foule se moque tout de suite:
Je veux célébrer le Vivant
Qui aspire à la mort par la flamme.

Dans la fraîche sérénité des nuits d'amour
Qui t'engendra, où tu engendras,
Te gagne une étrange contagion
Quand brille la bougie silencieuse.

Tu ne restes plus prisonnier
Dans l'ombre des ténèbres,
Et un désir neuf t'arrache
Vers une plus haute union.

Nulle distance ne peut te décourager,
Tu arrives en volant, fasciné,
Et enfin, amoureux de la lumière,
Tu es, papillon, consumé.

Et tant que tu ne détiens pas
Ce : Meurs et deviens !
Tu n'es qu'un hôte obscur
Sur cette terre ténébreuse.

Traduction trouvée sur le net.
Mais de qui est elle?
Où se trouve celle de Henri Lichtenberger?

* il s'agit plus de désir, d'aspiration que de nostalgie

samedi 4 octobre 2008

Charles Baudelaire-Harmonie du soir

*Paris 9.04.1821
+Paris 31.08.1867
Genre: Parnasse Symbolisme
Recueil: Les fleurs du mal






Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir;
Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir;
Valse mélancolique et langoureux vertige !

Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir;
Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige;
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.

Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige,
Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir;
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.

Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir,
Du passé lumineux recueille tout vestige !
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige ...
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir !

Arthur Rimbaud-Le dormeur du val

*Charleville 20.10.1854
+Marseille 10.11.1891
Genre: Symbolisme
Recueil: Poésies






C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

Albert Samain- Il est d'étranges soirs


*Lille 3.04.1858
+Magny les Hameaux 18.08.1900
Genre: symbolisme
Recueil : Au jardin de l'infante




Il est d'étranges soirs, où les fleurs ont une âme,
Où dans l'air énervé flotte du repentir,
Où sur la vague lente et lourde d'un soupir
Le coeur le plus secret aux lèvres vient mourir.
Il est d'étranges soirs, où les fleurs ont une âme,
Et, ces soirs-là, je vais tendre comme une femme.

Il est de clairs matins, de roses se coiffant,
Où l'âme a des gaietés d'eaux vives dans les roches,
Où le coeur est un ciel de Pâques plein de cloches,
Où la chair est sans tache et l'esprit sans reproches.
Il est de clairs matins, de roses se coiffant,
Ces matins-là, je vais joyeux comme un enfant.

Il est de mornes jours, où las de se connaître
Le coeur, vieux de mille ans, s'assied sur son butin,
Où le plus cher passé semble un décor déteint,
Où s'agite un minable et vague cabotin.
Il est de mornes jours las du poids de connaître,
Et, ces jours-là, je vais courbé comme un ancêtre.

Il est des nuits de doute, où l'angoisse vous tord,
Où l'âme, au bout de la spirale descendue,
Pâle et sur l'infini terrible suspendue,
Sent le vent de l'abîme, et recule éperdue !
Il est des nuits de doute, où l'angoisse vous tord,
Et, ces nuits-là, je suis dans l'ombre comme un mort.